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La France face à l'Europe ?

La France face à l'Europe ?

En 2021, après le vote d’EGAlim 2, lors d’un débat aux Assises de l’Agriculture, Alimentation et Santé à Nantes avec Grégory Besson-Moreau, son inspirateur, je soulignais l’incompatibilité de cette loi avec l’Europe. C’était déjà le cas d’EGAlim. Non que ces lois soient juridiquement contestables. Mais simplement qu’elles sont contournables et économiquement incohérentes avec notre présence en Europe.

 

Disons-le tout de go, telles quelles, ce sont des lois Frexit. Elles ne traitent aucun des vrais problèmes de notre filière alimentaire et
créent l’apparence d’une protection que la seule vue de l’état du commerce extérieur devrait dissiper.
(Je ne rentrerai pas ici dans le dossier des relations commerciales, parce que ce n’est pas le sujet.)

La France invente des lois (EGAlim et tant d’autres), des règles (Nutriscore et tant d’autres), revendique des positions (Mercosur, centrales d’achat européennes…). Toutes ces prises de position sont légitimes. Mais elles sont le plus souvent inefficaces. Nous sommes en Europe et au lieu de se lamenter sur notre sort il convient d’observer que
l’essentiel des choix que nous réfutons se révèlent efficaces… chez les autres.

La balance commerciale agroalimentaire de l’Union se porte bien. C’est la nôtre qui se dégrade. Le Mercosur nous effraie. L’Europe le signe.
L’acétamipride nous tétanise. L’Europe le valide.
L’européanisation des achats nous déplaît. Elle satisfait les distributeurs du nord et la Commission de Bruxelles.

Tout est à l’avenant.

En fait nous sommes dans la position d’une équipe de football qui a décidé de jouer le mondial de Rugby, perd, prend des coups, et se plaint que les autres jouent à la main, et à 15. Il faut soit changer de tournoi, soit apprendre à jouer le jeu commun, soit infléchir les règles communes en notre faveur.

Changer de tournoi, c’est-à-dire un Frexit, serait une folie absolue. Nos finances publiques n’y résisteraient pas trois minutes, et notre économie encore moins.
Infléchir les règles ? Pour cela, il faut de la stabilité politique et du crédit international. Nous serons audibles lorsque nous aurons enfin rétabli nos finances.
Reste à apprendre à jouer le jeu commun.

 

Le 14 octobre dernier dans LSA, la sénatrice centriste Anne-Catherine Loisier livrait une interview à ce titre édifiante : « Hélas, l’Europe n’avance pas sur le projet d’un Egalim européen. Lors de l’audition, le mardi 14 octobre dernier, du commissaire européen Stéphane Séjourné, pourtant français, il ne semble pas mobilisé sur le sujet. » En effet, ce dernier avait rappelé que son rôle était d’unifier le marché européen, suivant ainsi sa
stratégie service, présentée en mai, visant à réduire les entraves à la libre circulation des biens. Cette stratégie cite nommément EGAlim comme une entrave. Etonnant qu’une centriste soit si peu européenne. Elle n’est pas la seule. Récemment, lors d’un événement de Pact’Alim, Richard Ramos, député Modem, parlait de taxer les produits européens pour protéger la production française.

Pourquoi le Mercosur nous dérange ? Pourquoi les centrales nous effraient ? A bon droit pour les acteurs économiques concernés. C’est parce que nous avons tellement dégradé la compétitivité du pays et des entreprises qui s’y trouvent que nous n’avons plus d’autre choix que de rêver de nouvelles lignes Maginot. Ca ne marche jamais longtemps. Toutes les jérémiades anti-Europe sont ainsi d’un dangereux populisme. Un simple dérivatif qui tente de faire porter à d’autres le chapeau de nos propres manquements. Ces gesticulations ne font que développer les frustrations, le dégoût de la politique, et légitimer les positions des extrêmes en encourageant un nationalisme étroit alors que la France reste une puissance au potentiel exportateur majeur.

 

A nous d’accepter le jeu européen et de rétablir la compétitivité de la filière. C’est vital, notamment pour deux raisons.
1) Notre démographie n’est désormais plus une exception positive en Europe. Nos productions ne sont plus protégées par un marché intérieur dynamique. Il va falloir ou décroitre ou exporter donc être compétitif.

2) Si nous persistons dans nos choix (notamment de dépense publique qui étouffe la rentabilité des entreprises) la consolidation européenne des industries se fera à notre détriment, en laissant les centres de décisions aller où sera le pouvoir actionnarial et là où les conditions de compétitivité sont réunies. Qui, en l’état, peut parier que les euro-retailers de demain auront leurs sièges en France et le regard tourné vers nos campagnes ? Qui peut croire que les euro-industriels assumerons une préférence française ? Etc..

Je ne suis ni pour les centrales européennes, ni pour le Mercosur, mais encore moins pour un pays rabougri. Je constate simplement que ces problèmes si douloureux ne se poseraient pas si nous avions une agriculture, une industrie, une distribution compétitives. Les règles du marché se jouent à Bruxelles. Il faut donc être de bons élèves, exemplaires, pour influencer les autres en notre faveur et y rétablir notre
leadership. Mais les conditions de notre réussite sur ce marché se jouent à Paris. Nos élus et les représentants de la filière doivent concentrer leurs efforts sur notre performance dans les règles communes. C’est d’autant plus nécessaire que malgré les difficultés, la France garde d’extraordinaires atouts.

 

« La victoire est en nous » écrivions-nous au fronton de l’Arc de Triomphe en 1998.

Philippe Goetzmann & » est une agence conseil qui opère dans le retail, la filière alimentaire et l’économie servicielle. Nous accompagnons les dirigeants dans l’analyse des marchés, l’élaboration de la stratégie, le marketing de l’offre et les relations institutionnelles.

Philippe Goetzmann est administrateur de Ferrandi, de ESCP Business School et de l’Institut du Commerce, membre de la CCI Paris Ile-de-France et de l’Académie d’Agriculture de France et expert associé au Club Demeter.

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