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Grande distribution : le vrai défi de la fin du tract

Grande distribution : le vrai défi de la fin du tract

Début avril, Alexandre de Palmas, directeur exécutif de Carrefour France, mettait dans une boîte aux lettres le dernier prospectus papier de Carrefour. Tout un symbole ! Certains ne verront ici que le basculement vers d’autres médias, digitaux. C’est pourtant bien plus que cela. Une nouvelle ère s’ouvre pour l’animation commerciale.

 

Le catalogue papier a été un élément structurant de la grande distribution depuis ses débuts. Les délais de production, d’impression, de livraison ont déterminé l’organisation du travail. La diffusion en boîtes aux lettres a calé les promotions sur un rythme hebdomadaire. Enfin, les négociations commerciales y ont trouvé une contrepartie très efficace aux remises. Mais le tract a induit une offre promotionnelle de plus en plus standardisée « one size fits all », en donnant la prime aux marques nationales, et figée dans un monde où désormais Amazon ou Shein lancent des offres en quelques heures.

 

Vive le commerce libre ! 

La fin du tract est donc bien plus que la fin d’un média. La grande distribution peut enfin se libérer des chaînes qui entravaient un commerce intelligent, adapté, agile. Les distributeurs subissent une organisation promotionnelle, construite pour le tract, d’une complexité folle, coûteuse et inefficace. La « promo » pèse 20 % du chiffre d’affaires et 80 % des difficultés. Le système n’optimise ni le chiffre d’affaires, ni la marge. Il coûte très cher en mobilisant trop de monde (achats, offre, marketing, stratégie commerciale, logistique, magasins, industriels…) sur trop de temps.

Pourtant, si tous les distributeurs digitalisent la promo, plus rares sont ceux qui alignent aujourd’hui leur organisation et modernisent leurs outils pour tirer le plein potentiel de la révolution en cours. Dupliquer des extraits d’un tract sur les médias digitaux est tout à fait insuffisant en regard des gains potentiels de parts de marché et de marge que permettent l’ajustement à la météo, au contexte local, le ciblage des budgets fournisseurs et des mécaniques sur les bonnes typologies de clients.

Nous passons de l’ère de la promo « carpet-bombing » à celle de la guérilla et des drones ! Le système d’armes change, la chaîne et les outils de commandement doivent changer aussi pour gagner la bataille. Le vainqueur ne sera plus le plus puissant, avec les tracts les plus denses et les plus largement diffusés, mais le plus agile, rapide, pertinent.

 

Distinguer offre et média

Le consommateur souhaite une « promo » plus ciblée, c’est-à-dire élaguée de tout ce qui lui est inutile, et adaptée en termes de mécanique. Dans un pays où les aspirations divergent et s’expriment avec de plus en plus de force, cela représente en fait pour le distributeur beaucoup plus d’offres à adresser, chacune à moins de clients. L’inverse du catalogue papier.

A l’ère du tract, l’animation commerciale imbriquait dans un même élan le contenu et le support. Demain, elle devra distinguer une couverture de besoins bien plus large pour répondre à tous et des vecteurs bien mieux ciblés. La verticalité de la construction promotionnelle est caduque, ainsi que sa période calée sur sept jours. Les enseignes devront être capables d’imaginer, valider, diffuser et exécuter une opération en quelques heures.

Or, l’organisation de la « promo », bâtie pour le tract, est trop cloisonnée, chronophage et inefficace, avec son calendrier rigide et une finalité essentiellement nationale. Les process actuels des enseignes sont incompatibles avec une bonne exploitation de la diversité des médias et des opérations possibles et attendues par les clients.

Face à ce défi, les systèmes en place sont, au mieux, peu efficaces, au pire, inopérants. Dans la bataille des parts de marché, il faut sortir de ce carcan de papier pour tirer les pleins bénéfices des médias digitaux. La transformation des organisations et des outils sera déterminante !

 

Une version de cette tribune a été publiée dans L’Opinion le 09 mai 2025 : https://www.lopinion.fr/economie/grande-distribution-le-vrai-defi-de-la-fin-du-tract-par-philippe-goetzmann

Philippe Goetzmann & » est une agence conseil qui opère dans le retail, la filière alimentaire et l’économie servicielle. Nous accompagnons les dirigeants dans l’analyse des marchés, l’élaboration de la stratégie, le marketing de l’offre et les relations institutionnelles.

Philippe Goetzmann est administrateur de Ferrandi et de ESCP, préside la commission commerce de la CCI Paris Ile-de-France et est membre de l’Académie d’Agriculture de France.

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