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Promo : De la puissance à l’efficience

Promo : De la puissance à l’efficience

Pendant cinquante ans, le couple industrie-commerce a bâti un écosystème promotionnel dominé par la puissance : celle des prix, des volumes et des médias. Cette logique a façonné une stratégie gagnante, fondée sur la visibilité de masse et des offres standardisées. Mais ce modèle s’essouffle.

 

Des années 60 au début des années 2010, la grande consommation s’est développée autour de stratégies de puissance. L’émergence puis la domination de la grande classe moyenne a entraîné la standardisation des offres, ce qui a amené aussi la concentration des enseignes et des marques. Il fallait être le plus fort pour prendre des parts de marché.

Face au ralentissement de la croissance, les promotions se sont intensifiées : davantage d’offres, des mécaniques plus complexes, des baisses de prix plus agressives (encadrées depuis par la législation). Au point d’en oublier l’essence même de la promotion : générer du trafic et stimuler les ventes, non brader les produits.

 

L’impasse de la puissance

Certes il y aura toujours des acteurs plus puissants que d’autres. Pourtant, « ce ne sont pas les gros qui mangent les petits, mais les rapides qui mangent les lents » (Klaus Schwab, fondateur du World Economic Forum).

La grande consommation est désormais confrontée à une décroissance structurelle des volumes, conséquence directe de la stagnation démographique. Il ne s’agit plus de séduire un consommateur moyen qui n’existe plus, mais de répondre à une diversité croissante de besoins. Le marché se fragmente, et les offres doivent gagner en précision.

Chaque jour, de nouvelles marques et enseignes ciblent des segments plus restreints mais mieux définis. L’ère numérique accentue encore cette dynamique : l’accès généralisé à l’information et les réseaux sociaux favorisent l’expression des singularités. Dans ce contexte, les approches promotionnelles de masse perdent en efficacité. Il devient impératif de passer de la recherche du volume à la quête d’une croissance rentable.

 

Pour une croissance rentable

Mal ciblée, distribuée sans discernement, promotionnée sans nuance, la promo « one size fits all » est devenue trop coûteuse, surtout à l’heure où les outils sont disponibles pour faire autrement. Deux exemples frappants : une promo sur des pastilles de lave-vaisselle couvrant huit mois de consommation, ou un lot de 32L de lait équivalant à huit mois aussi pour un consommateur moyen. Alors que les Français vivant seuls sont aussi nombreux que ceux en ménages de 4 personnes (qui ne représentent que 10% des foyers), ces promos interrogent quant à l’activation de la fréquence de visite et l’investissement pour moins de 10% de la clientèle nationale, parfois bien moins localement.

Pour gagner en rentabilité, la promotion doit devenir plus fine, plus ciblée. La clusterisation des magasins — en fonction de leur typologie de consommation, du type d’habitat, de la météo, des catégories socio-professionnelles ou des caractéristiques démographiques — permet d’ajuster les offres. Chaque groupe de points de vente peut ainsi proposer moins de promotions, mais plus pertinentes, limitant l’effet d’aubaine et renforçant la performance.

La personnalisation, elle, va plus loin encore. En associant données clients et outils technologiques, elle autorise une finesse de ciblage inédite. Elle affine aussi la mécanique tarifaire et le choix des médias utilisés, dans une logique d’efficience. Si sa mise en œuvre dans les points de vente physiques connaît encore des limites, elle complète utilement la logique de clusterisation.

 

Les limites du « carpet bombing »

Malgré des investissements toujours élevés, les volumes promotionnels baissent. L’approche massive montre ses limites. Comme les distributeurs, les industriels doivent cibler plus finement pour développer ventes, marges et innovations. L’ancienne stratégie, simple à piloter mais de plus en plus coûteuse, cède la place.

Il faut passer du « carpet bombing » aux drônes. Comme cette métaphore l’indique, le ciblage va devenir primordial et in fine, la mesure de la performance.

Pour un distributeur et un industriel, négocier un tract ou une tête de gondole se matérialisait certes par un nombre précis de tracts, mais le flux devant la TG restait hypothétique et le taux de transformation tout à fait aléatoire. C’est la rançon du carpet bombing : envoyer beaucoup de moyens sans trop savoir où ils tombent ni les réels effets obtenus (y compris effets d’aubaine) et pourquoi ?

Désormais, data et digital permettent d’aligner produit, offre, magasin, média et client avec une précision chirurgicale.

 

L’ère de l’efficience

Aujourd’hui, la technologie permet non seulement de cibler les bons clients au bon moment, mais aussi d’adapter la mécanique promotionnelle et les canaux de diffusion à chaque site ou à chacun. Ce n’est plus un luxe marketing, mais une nécessité économique.

Les enseignes doivent affiner leur marketing et leurs cibles. Les industriels, adapter leurs offres selon le réseau et les consommateurs visés. Cette collaboration devient essentielle : elle suppose le partage de données, jusqu’à la mesure de la performance. La confrontation classique doit évoluer vers une relation gagnant-gagnant.

L’écosystème promotionnel de demain sera plus exigeant mais aussi plus performant. Moins d’offres par client, mais des offres mieux conçues. Les magasins en proposeront moins, réduisant les coûts opérationnels et les pertes. À l’échelle nationale, cela impliquera en revanche une explosion du nombre d’offres distinctes à piloter. Cette complexité ne pourra être gérée qu’avec une meilleure coordination entre acheteurs, logistique, opérationnels, marketing et partenaires industriels.

 

Dans un monde de consommation en profonde mutation, l’efficience promotionnelle devient une composante essentielle de la performance commerciale et économique globale. Le plus grand hockeyeur de l’histoire, Wayne Gretzky résumait ainsi son génie : « Je patine vers l’endroit où le palet va être, pas là où il a été. »

Reste à savoir quelles marques et quelles enseignes sauront anticiper la trajectoire et s’équiper des bons patins.

 

Cette tribune a été rédigée en collaboration avec Olivier Hublau.
Une version de cette tribune a été publiée dans LSA le 26 juin 2025 : https://www.lsa-conso.fr/promotion-de-la-puissance-a-l-efficience-tribune,461286

Philippe Goetzmann & » est une agence conseil qui opère dans le retail, la filière alimentaire et l’économie servicielle. Nous accompagnons les dirigeants dans l’analyse des marchés, l’élaboration de la stratégie, le marketing de l’offre et les relations institutionnelles.

Philippe Goetzmann est administrateur de Ferrandi, de ESCP Business School et de l’Institut du Commerce, membre de la CCI Paris Ile-de-France et de l’Académie d’Agriculture de France et expert associé au Club Demeter.

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