Sur Netflix, ÉGAlim pourrait être une série à succès, avec ses saisons, rebondissements, psychodrames. La loi initiale a enfanté 2 versions successives, 3 prolongations de ses mesures expérimentales (SRP+10 notamment) et plusieurs commissions d’évaluation ou groupes de travail. Encore récemment Stéphane Travert appelait à remettre l’ouvrage sur le métier alors qu’Annie Genevard en repoussait l’idée.
Après 7 ans, quelle instabilité ! Pour quelle efficacité ? La dernière commission d’évaluation d’ÉGAlim 2 “considère ainsi qu’il est difficile de conclure à l’efficacité économique des nouvelles dispositions prévues par la loi ÉGAlim 2”. En effet, les négociations n’ont jamais été aussi dures, la crise agricole se poursuit pour des motifs changeants, les prix restent plus corrélés aux marchés mondiaux qu’à la décision politique (quelle surprise !) et le commerce extérieur s’effondre.
Alors, ne faudrait-il pas repartir de zéro ?
Et construire une règlementation tenant compte des réalités de l’économie plutôt que des fantasmes politiques. Avoir moins de règles, plus simples, plus compatibles avec l’Union, plus alignées sur les principes de l’économie de marché. Changer le code source d’ÉGAlim ! C’est ce que je plaidais le 30 avril, lors de la séance publique de l’Académie d’agriculture de France consacrée au bilan d’ÉGAlim.
Rappelons par exemple qu’un prix ne se construit jamais en marche avant, il résulte d’un équilibre de marché. La question pour tout agent économique est de savoir alors si ses coûts lui permettent de générer une marge. Le problème n’est pas le client, toujours exigeant (aucun commerçant ne souhaite voir ses rayons vides), mais le concurrent qui, s’il s’avère plus performant, peut baisser le prix. La compétitivité est bien plus importante que la “négociation”. Ainsi, un agent économique doit être libre de fixer son prix et prendre le risque de vendre… ou pas.
La transparence dans les affaires, ça ne doit pas exister. Elle renforce le pouvoir de négociation de son partenaire, in fine de son concurrent. C’est précisément le secret qui stimule l’innovation et les gains de compétitivité qui sont le moteur de l’économie. La sanctuarisation de la matière première agricole est donc un concept très discutable. D’autant que chaque exploitation a ses propres prix de revient.
Enfin, prenons conscience que dans un marché unique, il faut des règles uniques. Notre système réglementaire, divergeant du système de l’Union européenne, nous condamne à son contournement. Par la délocalisation des centrales, des usines, ou par l’importation de produits finis ou des matières premières agricoles. ÉGAlim a ainsi fragilisé les filières et développé l’insécurité juridique. Dès lors, pourquoi nos partenaires européens adopteraient-ils un texte qui n’a pas réussi à régler des problèmes qu’ils ne perçoivent pas ainsi ?
Une version de cette tribune a été publiée dans la Lettre Agridées n°769 du 6 mai 2025 : https://www.agridees.com/?mailpoet_router&endpoint=view_in_browser&action=view&data=WzE4NjcsIjUxMDFiZThmNWM4YSIsMjY2MCwiZTNzM3Q1a3lmdWd3NGN3ODRndzBna2NrNDAwazg0b3ciLDI3MDYsMF0