Le Manifeste « Aider les consommateurs à aider les agriculteurs » a été présenté le 11 décembre à l’Assemblée Nationale, signé par 56 personnalités de la filière agroalimentaire et de la politique.
Ce manifeste, qui engage les signataires à tendre vers un affichage symétrique de l’origine des matières premières, suggère à la fois la mention de l’origine dans les mêmes termes, qu’elle soit française ou internationale et de proscrire la mention France lorsque seule la transformation est nationale sans matière première principale française.
Il est un aboutissement. Celui de la recommandation n°17 de la saison 5 du #ThinkTankAgro Les Echos. La proposition initiale était loin de faire l’unanimité, et c’est normal. Son idée fondatrice était de mieux informer les consommateurs pour orienter la demande vers l’agriculture française. Mais il fallait bien comprendre combien elle chahutait des habitudes et des pratiques parfaitement légales et souvent nécessaires dans l’organisation présente de la filière. Il était donc tout à fait normal et respectable que de nombreux acteurs aient hésité – et hésitent encore – à rejoindre un mouvement qui perturbait grandement leur organisation.
Les limites – réelles et légitimes – de la symétrie voulue sont connues :
- Absence d’approvisionnement national par la disparition de filières de production. Mais alors donnons les moyens de les recréer!
- Impossibilité de maintenir un approvisionnement national toute l’année pour de simples raisons de saisonnalité. Alors définissons les règles!
- Qualité insuffisante de la production agricole parfois. Cette transparence obligera à l’élever.
- Le prix bien sûr. Mais justement, l’affichage de l’origine permettra au client de faire alors un choix plus éclairé qu’aujourd’hui et de comprendre la valeur du prix.
- Un côté nationaliste qu’il faudra éviter. Savoir d’où ça vient n’est pas xénophobe. Personnellement je continuerai à adorer le San Daniele et le porc allemand ne me fait pas peur.
- D’autres encore…
“Voyez-vous dans la vie, il n’y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer, et les solutions les suivent.” Saint-Exupéry, Vol de Nuit, 1931
Malgré ces difficultés pour les entreprises, qui plus est confrontées à un marché compliqué, le manifeste a trouvé 56 signataires. Il faut ici rendre hommage à Olivier Dauvers. Face à tous ceux qui pensaient le challenge infaisable, qui invoquaient les difficultés, qui croyaient que personne ne suivrait, Olivier a su avec conviction, constance et rugosité parfois, faire bouger les lignes et créer ces forces en marche dont parlait Saint-Exupéry. Certains ont signé d’enthousiasme, d’autres ont dû être convaincus. Qu’importe! Il convient de féliciter les signataires et de saluer l’engagement des entreprises, qui ne s’arrêtera pas à un paraphe.
Ce manifeste est un aboutissement, il est surtout un commencement. Aujourd’hui bout de papier rempli de bonnes intentions, il doit se matérialiser par la définition de règles communes à la filière qui intègrent les contraintes évoquées plus haut de façon à poser les principes de ce que signifie l’Origine France lorsqu’on l’invoque.
- Parle-t-on poids ou valeur ajoutée ?
- Quel part d’approvisionnement étranger pour faire le « joint » lors de saisons creuses ?
- Quelles règles d’affichage on-pack et in-store communes à tous ?
- Plein d’autres encore…
56 ont signé. J’en suis. A nous maintenant de nous saisir du sujet, ainsi qu’Olivier Dauvers et Jean-Baptiste Moreau nous y ont invités en fin de colloque. Aux signataires de s’organiser pour poser la « soft-law » qui doit être la nôtre. Parce qu’il est probable qu’elle soit plus efficace et pertinente qu’une éventuelle « hard-law » à laquelle pensent ouvertement de nombreux politiques.
« Je crois aux volontaires, pas aux sceptiques. » Emmanuel Macron, Rungis 11 octobre 2017
Lors de son discours de Rungis dans le cadre des #EGAlim, le Président de la République appelait à faire preuve de volontarisme. La manifeste signé mercredi a déjà donné des tentations d’Etat parfaitement inutiles et probablement contre-productives. Que l’Etat se saisisse du sujet pour réunir la filière et fixer les règles imposera d’élargir le cercle à tous, y compris les acteurs qui n’y ont pas intérêt, amènera un pilotage lent et moyennisant, et supposera une parfaite conformité aux règles européennes, sourcilleuses sur ces sujets. L’Etat peut travailler, mais cela ne répondrait en rien à l’esprit et à l’ambition du manifeste ni à l’urgence agricole.
Ce n’est certes pas une habitude française, mais les 56 signataires, représentant un chiffre d’affaires de près de 200 milliards, sont tout à fait fondés à définir ensemble les règles qu’ils décideront de s’appliquer à eux-même. Rien ne les en empêche. Au reste nombre d’entre eux sont aussi engagés dans Ferme France, devenu La Note Globale, autre démarche de rassemblement volontaire. Avec près de 90% des Français qui placent la transparence de l’origine en 1er critère de confiance dans l’alimentation, ils développeront ainsi un avantage compétitif qui amènera les attentistes à vite rejoindre le mouvement.
Dans un autre univers, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité réunit 700 annonceurs, publicitaires et médias et définit les règles communes en faveur d’une publicité loyale, véridique, saine et respectueuse, de façon parfaitement indépendante de l’Etat. Ce qui prouve bien qu’une telle démarche est possible
J’appelle les acteurs volontaires, les forces en marche, à se fédérer pour trouver les solutions! Ce serait signe d’une maturité nouvelle. Et un acte pour une fois conforme à l’ « esprit des EGA » sans avoir besoin d’un texte réglementaire. Rendez-vous en janvier pour entrer dans le concret.