La conférence LSA offres responsables a mis en lumière la variété et la richesse des propositions. Le spectre est si large qu’il faut revenir au Larousse ! Responsable : « Qui est réfléchi, sérieux, qui prend en considération les conséquences de ses actes ».
Refuser le militantisme
La consommation responsable a souvent été portée par un discours militant. Il s’avère souvent condescendant, quand il ne revient pas au marketing le plus classique. Il ne fait pas écho aux problématiques soulevées par la population qui n’a pas les mêmes leviers d’action et dont les préoccupations s’éloignent de celles des spécialistes et méritent que l’on se mobilise.
Nous ne sommes pas là pour « évangéliser les convertis ». Une énième épicerie bio locale dans le 11ème arrondissement parisien n’a pas d’impact réel. L’enjeu est de rendre responsable la consommation de la masse des Français, donc d’intégrer leurs attentes et d’éviter les postures.
Désirs et contraintes
Consommer est un arbitrage entre désirs et contraintes. Marketing et pouvoir politique excitent les désirs tandis que les contraintes se développent : la transition écologique, l’inflation et d’autres facteurs pèsent. Or, augmenter le niveau de contrainte tout en excitant les désirs ne peut que fracturer la population entre une part minime de la société qui peut se permettre de consommer mieux, plus cher, et celle qui ne le peut pas. L’éclosion d’une consommation responsable suppose de réduire la contrainte en développant l’accessibilité : le prix d’abord mais aussi la compréhension de l’offre.
Il faut affronter le réel. Face à une démographie en berne et des contraintes budgétaires en hausse, le pari d’une offre responsable plus chère est hautement hasardeux. Il faut donc transformer l’offre à budget constant, en travaillant les coûts.
La consommation responsable n’est en rien une consommation alternative. C’est intégrer une trajectoire de plus long terme. Réussir l’offre responsable suppose de rappeler que la 1ère responsabilité d’une entreprise est de faire du profit ! C’est ce qui lui permet de payer des salaires, des impôts, de réaliser des investissements et donc de changer durablement. Trop d’entreprises porteuses de beaux discours ont englouti des masses de cash qui manquent à celles qui vont vraiment changer les choses.
Vers la sobriété
La « sobriété » semble avoir une tonalité punitive. Nous pouvons pourtant vivre aussi bien qu’avant en consommant moins de ressources. Consommer-acheter n’est pas consommer-utiliser. Il s’agit d’ajuster la production à la consommation réellement utile, donc en éliminant ce qui ne sert pas : On parle ici du gaspillage alimentaire, de la surconsommation notamment alimentaire qui engendre d’ailleurs des maladies, mais aussi de l’équipement d’appareils qu’on utilise fort peu.
Il faut déplacer la consommation de la logique des volumes vers la satisfaction des besoins, et donc intégrer aussi la notion de plaisir dans la responsabilité. A ce titre la journée LSA a mis en lumière de très belles initiatives qui transforment les produits « sans » en « avec » : avec plaisir, avec goût… Personne n’a envie de s’auto-flageller à consommer moins sans plaisir.
En fait, changer le système suppose d’avoir une approche servicielle, avec moins de matières et de ressources, moins de volumes, mais plus de services.
Prix et fiscalité
Le développement de l’offre responsable ouvre le débat du prix qui reste le critère universel pour influencer la consommation : il est le plus immédiat et le plus efficace. Comment faire pour que les produits qui répondent à une meilleure consommation deviennent moins chers et que ceux qui dégradent la planète ou notre santé soient moins compétitifs ?
Cela renvoie probablement à une double révolution fiscale : faire peser plus les ressources de l’Etat et de la protection sociale sur la consommation plutôt que sur les citoyens ou le travail d’une part, et que cette fiscalité ait comme assiette le coût des externalités. C’est la condition de la relocalisation et du dégagement des marges nécessaires au financement de l’innovation et des transitions. Enorme chantier à ouvrir.
Une version de cette tribune est parue dans LSA le 26 avril 2024 : https://www.lsa-conso.fr/philippe-goetzmann-la-consommation-responsable-est-une-trajectoire-de-long-terme,455329